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"ENFANTS TERRIBLES" de Columbine

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Columbine, ou les caméléons...

Columbine, le collectif de rappeurs rennais avait trouvé son public avec son EP "2k16", son univers de mal-être lié à l'école, de sexualité, d'alcool et leurs références à ceux qui " symbolisent" cette haine et cette vilenie, Dylan Harris et Eric (...). 

Après avoir sorti leur album "Clubbing for Columbine" en 2015, Columbine revient pour Enfants Terribles, où Lujipeka et Foda C prennent le dessus sur la direction du projet, celui-ci étant centré sur leur duo.

Et c'est le premier point positif : l'alliance Lujipeka et Foda C se marie vraiment bien, comme le titre phare du premier album, "Les Prélis", le laissait présager. A l'époque de "Clubbing for Columbine",  je n'étais vraiment pas fan du groupe, leur style musical ne m'intéressait pas, bien que certains morceaux ne fussent pas mauvais, comme " Fleurs du mal", "Mandragore", "Document 1", "Avalanches", "Clubbing for Columbine", et la meilleure, "Les Prélis". La qualité du mix et du mastering laissait à désirer, on avait l'impression du « truc fait avec les moyens du bord » : ce n'est pas totalement un défaut car cela marque une certaine ambiance dans d'album, mais je préfère lorsque le mix est bien plus propre, soigné : coup réussi pour "Enfants Terribles".

C'est pour ces raisons que j'ai été étonné d'attendre impatiemment leur album. Le déclic a eu lieu lorsque le premier extrait est sorti : le single Enfants Terribles. Dès les premières notes de l'instru, on note l'autotune plus utilisée mais bien mieux maîtrisée qu'anciennement, qui crée une réelle ambiance cloud rap à leur sauce (moi qui suis amoureux de ce style de musique bien faite, cf. PNL). C'est comme si Columbine était passé d'un genre assez PZK pas du tout pris au sérieux avec des imperfections ici et là, “rigolo”, à quelque chose de plus musical, planant, enivrant, avec toujours une touche de légèreté qui vient marquer leur style.

Columbine est plus professionnel qu'avant, bien qu'ils ont beaucoup de chemin avant de pouvoir être minutieux sur le travail du mix, en ayant du meilleur matériel pour exceller (à la manière d'un PNL, encore une fois). Quoiqu'il en soit, leur musique s'est approfondie et va au-delà d'un simple délire pour faire rire. Suite au premier extrait, donc, j'étais déjà bien hypé et j'espérais qu'ils allaient continuer dans cette voie là.

Et vient "Rémi”, le second extrait qui confirme mes ressentis : une prod' planante, des paroles percutantes, le thème de l'ennui qui revient tout au long du morceau, assez représentatif de notre génération.

"Temps éléctrique", troisième extrait dévoilé avant la sortie de l'album, soit mon morceau préféré : une prod' accompagnée de guitare en fond, et de piano sur la première partie de Foda C, qui rend une ambiance sombre, mélancolique, et très planante. Je note un point important pour le couplet de Foda C qui est le plus hypnotisant et percutant. On a réellement envie de planer en se morfondant sur son propre sort (triste vie).

“Talkie Walkie" est le 4ème et dernier extrait dévoilé avant la sortie de l'album : la hype était un peu redescendu car j'avais l'impression et la peur que le groupe reste dans l’ambiance du premier album, et que seuls les trois premiers extraits marquent une évolution. Or, cette impression est vite partie, car après plusieurs écoutes on rentre facilement dans le morceau qui se veut assez dansant, et qui est au final bien construit entre les couplets avec un peu d'autotune et une partie plus profonde et rythmée pour Foda C.

En bref, ce que j'attendais de l'album, c'était que les sons soient aussi bien construit et de la même sorte que les 3 premiers extraits : côté planant, authotune omniprésente et maîtrisée qui crée une profondeur musicale et une évasion plus accessible et plaisante. Oui, je suis amoureux de l'authotune bien fait lorsqu'elle se marie avec l'instru, et qu'elle n'est pas utilisé pour rien : grâce à cette maîtrise, cela ouvre un large panel bien plus diversifier pour les artistes qui peuvent se permettre des choses tel que le chant, travailler sur les mélodies et écrire des paroles assez imagées. Donnant envie au final de réécouter encore le son pour l'apprécier davantage, apprécier ces sonorités et ses paroles qui peuvent être évasives et nous toucher sur plusieurs points, qui raisonnent en nous. En bref, l'authotune est un outil, et non pas une mauvaise chose car elle créait des nouvelles dimensions musicales qui nous forcent à les écouter encore et encore, pour s'évader sans être lassé.

Sortie de l'album, c'est un oui. Le cloud rap se fait sentir sur les sons tel que le stratosphérique "1000", et le plus posé, à l’ambiance drogue-lover "Dans ma chambre". "1000" exprime la solitude et le détachement vis à vis des autres malgré la réussite du groupe : les dernières phrases de Foda C expriment un sentiment de remise en question et de tristesse face à sa génération et le temps perdu. Le sentiment de solitude est développé avec la forme musicale, qui enferme l’auditeur dans une bulle. Mais le nombre 1000 signifie plus que ça, et est utilisé comme une expression par le groupe ("Ils étudieront nos poèmes en classe dans 1000 ans", " "Nos fils s'ennuieront encore dans 1000 ans" "J'ai 1000 problèmes sur scène, on est 1000, j'me sens seul quand même"). "Dans ma chambre" est dans la thématique de l'ennui et de l'enfermement, qui vient souvent accompagné de drogue, et de filles : une vraie ode à la flemme et où on se retrouve le plus souvent, la chambre. Rien à dire de plus sur ces morceaux, excepté qu’ils sont très bien faits et qu'ils rejoignent mes préférés, les extraits déjà sortis. L'autotune est également utilisée sur "Woohoo" qui est un son assez exaltant, qui respire le beau temps, ainsi que sur “Fireworks”, également un de mes morceaux préférés, démarrant lentement à la manière de "Les prélis" avant d'exploser sur la fin. "Été triste" est un très bon morceau, sombre, dans lequel les rappeurs décrivent leur tristesse avec une forme d'introspection (réelle ou fausse) : Foda C est pour moi le plus performant et le plus marquant, suivit de Lujipeka, toujours aussi bon mais qui laisse la place à d'autres membres du groupe (Chaman et Sully) qui sont un petit peu en dessous des deux porteurs de l'album.

"Les caméléons" est la plus grosse surprise de l'album pour moi, il nous fait entrer dans plusieurs phases à l'aide de changements d'instru et de rythme soudains, comme si nous vivions un bad trip tout du long. La fin du morceau contraste par sa lenteur qui fait suite à un rythme très saccadé et rapide, en cela elle appuie le message du son : la marginalisation, le rejet, la différence que subissent les membres de Columbine. Le titre en lui-même induit l’adaptation systématique à l’environnement, à l’image du caméléon, du fait de la différence qui les sépare des autres.

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Les seuls bémols ont été pour moi "College Rules", qui est sympathique mais que je ne vais pas écouter à nouveau car la musicalité ne m'intéresse pas plus que ça, et "Châteaux de sable" qui n’est vraiment pas mal à la première écoute pour comprendre le délire assez sombre de Columbine mais que je ne vais pas me ré-écouter. Tout au long de l'album, j'ai en général plus aimé Foda C, ce qu'il apporte, ses paroles, son utilisation de l'autotune et son style.

Au final, Enfants Terribles est une très bonne surprise, soit un bon album qui annonce une suite prometteuse. L'album raisonne (dans les grandes lignes) comme une ôde à l'adolescence, l'ennui perpétrer qui revient sans arrêt, sur la passiveté de notre génération et sur les relations humaines. Je le trouve bien meilleur que leur ancien car je le trouve plus intéressant sur tout les points. Maintenant, tel une groupie, je vais attendre impatiemment la suite en saignant cet album, qui est pour moi le meilleur album indépendant de cette année, qui est sans aucun doute celui que je vais le plus écouter, même dans l'avenir. Columbine, ou comment faire des sons profond et hypnotisant sans ne jamais trop se prendre au sérieux.

 

Coups de coeur : Temps électrique, Dans ma chambre, Enfants terribles, 1000, Fireworks


 

Note : 7/10

"Une belle année est une année à perdre son temps"

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